Changer d’école quand on est un enfant n’est jamais ni facile ni agréable. Mais quand on est un enfant expatrié voire multi-expatrié, il s’agit quasiment d’une routine, ce qui ne veut pas dire que cela reste une démarche facile. Tout comme pour les conjoints d'expatrié, les enfants expatriés doivent eux aussi trouver leurs repères, se refaire des amis, parfois apprendre une nouvelle langue et de nouveaux codes.
Mes filles ont vécu pour la seconde fois de leur vie scolaire ce type de transition en passant cette fois-ci d’une école publique américaine à une école française de l’étranger. Un gros changement pour elles comme pour nous.
Préparer les enfants expatriés au changement scolaire
Comme je l’ai expliqué au tout début de la création de ce blog, nous avons délibérément choisi une école publique américaine à Chicago pour que nos deux enfants vivent une immersion scolaire et culturelle totale. Mais nous savions aussi qu’après les Etats-Unis, nous irions dans un autre pays et que nous devrions à un moment ou à un autre
faire un choix éducatif sur le long terme. Ce choix s’est fait naturellement pour l’école française et donc un
établissement français de l’étranger. Pour les préparer à ce nouveau changement académique mais aussi pour conserver un niveau correct en français, nous leur avons fait suivre les cours du CNED en français seulement (lecture, écriture, grammaire, orthographe) en plus de l’école américaine. Lors de notre arrivée à Shanghai, la transition académique a donc eu lieu en douceur car nous avions préparé nos enfants en amont.
Les limites de la préparation à la transition scolaire
Mais nous ne pouvions pas les préparer à tout. Et même si cette fois, elles ne sont pas tombées des nues lors de leur première journée d’école – elles ont d’emblée compris tout ce que la maîtresse racontait – elles ont eu leur petit lot de surprises comme :
- écrire en cursive avec tout ce que cela implique (Ah ! le respect des interlignes, c’est toute une histoire) fut l’objet de moments de découragement et d’énervement, et ce même si on les y avait préparées ;
- tenir un cahier propre : l’objet « cahier » est lui-même une nouveauté, d’autant qu’elles doivent en gérer plusieurs. À Chicago, c’était le règne de la feuille volante !
- sauter une ligne, écrire la date en toute lettre, la souligner, ne pas écrire dans la marge – « C’est quoi une marge ? », me demandent-elles ;
- écrire « Mathématiques » ou « Français » à cinq carreaux de la marge ;
- écrire ses devoirs dans un cahier de texte sans faire de fautes ;
- Sans parler de la discipline qui semble plus stricte dans une classe française que dans une classe américaine : on ne parle pas tous en même temps, on lève le doigt pour prendre la parole, on ne se lève pas de son bureau sans en demander la permission, etc.
Du côté des parents, il y a aussi des surprises. Je leur avais rabâché qu’elles auraient beaucoup plus de devoirs à l’école française qu’à l’école américaine. Et bien finalement, je constate avec surprise que les devoirs écrits et de recherche étaient plus importants et réguliers dans le système américain qu’ils ne le sont actuellement dans notre système français, puisque selon une directive du ministère de l’éducation nationale, les professeurs ne doivent pas donner de devoirs écrits aux enfants à faire à la maison.
La transition du langage : du tout en anglais au presque tout en français
Les progrès en français ont été impressionnants voire détonants ! Le vocabulaire des cours de récréation françaises semblent beaucoup plus haut en couleur que celui des cours de récréation américaines, du moins d’après l’expérience que j’en ai (et elle est, je l’accorde, partielle). Il n’aura pas fallu bien longtemps pour que mes filles découvrent avec plus ou moins de bonheur des expressions familières voire vulgaires de la langue française.
Il est intéressant d’observer leurs attitudes par rapport à ces découvertes faites sur le tas. Parfois, elles ne comprennent pas forcément du premier coup un mot ou une expression. Puis, grâce au contexte, elles prennent conscience du véritable sens des propos qui leur sont tenus. Mais surtout elles ont conscience des limites de ces progrès en français. Quand elles entendent un nouveau mot dont elles pressentent que l’usage risque de leur causer de gros problèmes à la maison, elles anticipent en demandant le sens du mot entendu dans le bus de l’école ou dans la cour.
Du jour au lendemain, le déséquilibre des langues qui a caractérisé notre séjour à Chicago est plus ou moins rétabli grâce au programme bilingue anglais français que suivent nos filles. Il est intéressant de noter qu’elles associent la pratique d’une langue en fonction du contexte ou de la situation : le français à la maison ou dans les jeux avec les copines, l’anglais pour le sport ou les activités extrascolaires. Désormais, l’objectif est de maintenir un bon niveau d’anglais et donc leur
bilinguisme. Après six mois en
Chine, c’est un nouveau défi !
Et vous, quel est votre vécu et celui de vos enfants en matière de transition scolaire lors de votre nouvelle expatriation ? Partageons nos expériences pour mieux vivre notre expatriation.
MÀJ du 23/11/2016 : Il s'en est passé des choses depuis la publication de cet article ! Dans l'ordre, les voici :
— Au bout d'une année scolaire, nous avons retiré nos filles du Lycée Français de Shanghai. Elles ont poursuivi leur scolarité à
Dulwich College Shanghai (DCS), une école internationale britannique. Elles y sont restées jusqu'à notre départ de Chine, c'est à dire jusqu'à l'été 2015. Ce fut donc une nouvelle transition scolaire mais elles ont adoré cette école. Je crois que c'est sans doute pour cela qu'elles ont aimé la Chine, pour cette école, l'équipe pédagogique, le campus, les activités extra-scolaires riches et variées, le sport, la qualité de l'enseignement. Et lors de notre départ, ce que j'ai regretté le plus, c'était cette école et son ambiance positive et dynamique.
Mais ce changement d'école a aussi signifié un retour au
CNED pour le français en parrallèle de l'enseignement suivi dans cette école internationale. Ce fut donc deux années très remplies scolairemement pour mes filles et nous aussi, parents, puisque nous avons pris en charge nous-mêmes l'enseignement du français avec les outils pédagogiques du CNED, comme lors de notre séjour aux Etats-Unis.
— Été 2015 : retour en France et donc retour dans le système éducatif français. Nous avons choisi un établissement privé catholique pour nos filles. La transition s'est passée en douceur avec une maîtresse de CM2 pour ma cadette très à l'écoute de sa situation. Mais j'ai pris aussi les choses en main en allant la voir assez rapidement après la rentrée et en lui expliquant le parcours scolaire atypique de ma fille. Pour la plus grande entrant en 5ème à la rentrée 2015, l'équipe pédagogique a aussi été à l'écoute de ses besoins. Etant bilingue, elle a pu suivre les cours d'anglais d'une classe de seconde.
Pour le français, nous avons pu voir les bénéfices de l'investissement en temps à faire du CNED le week-end pendant six ans ! Pas de difficultés particulières et même, à la surprise des profs de français apprenant leur scolarité à l'étranger et dans le sysème anglophone, un niveau très satisfaisant.
Au final, elles auront vécu plusieurs transitions scolaires : du sytème américain (4 ans) au système français à l'étranger (Chine, 1 an) vers le système britannique (Chine, 2 ans) et enfin le sytème français en France depuis septembre 2015.
La morale de l'histoire, pour conserver le français dans une telle situation, est qu'il faut selon moi parler français et seulement le français à la maison, et que les parents s'investissent d'une manière ou d'une autre dans l'apprentissage du français (lu, écrit parlé) de leurs enfants.
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