Isabelle Gugliemi |
Dans le cadre de mes « interviews d’expat », je privilégie des parcours de qualité en fonction des demandes qui me sont faites mais aussi et surtout en fonction de mes envies et de mon souhait de montrer la diversité des expériences possibles. Dans le cadre de ces entretiens, je vous propose de rencontrer une femme expatriée, un expat auto-entrepreneur, et très souvent les deux en même temps afin de mieux comprendre la vie au quotidien en expatriation et parfois au retour de celle-ci (impatriation). Ces interviews démontrent que l’on peut être une conjointe d’expatrié, se réaliser professionnellement et avancer dans sa vie active.
Ce mois-ci, j’ai rencontré Isabelle Guglielmi, pharmacienne et fondatrice d’Amériksanté qui s’adresse aux francophones qui vivent ou voyagent aux Etats-Unis.
Expat Forever : Bonjour Isabelle. D’où êtes-vous originaire ?
Isabelle Guglielmi : Bonjour Véronique et merci de m’accueillir sur votre blog. Je suis née à Versailles,et j’y ai grandi jusqu’à l’âge de 11 ans. Puis, nous sommes partis habiter Lyon. J’y ai fait tout mon collège, mon lycée et mes études supérieures … donc je me sens beaucoup plus lyonnaise. Je suis mariée et j’ai quatre enfants.
EF : Où vivez-vous actuellement et depuis combien de temps ?
IG : Nous habitons dans la banlieue de Kansas City aux Etats-Unis. La ville se situe dans l’État du Missouri mais nous vivons dans l’État du Kansas à 10 kilomètres.
EF : Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours d’expatriée?
IG : Je suis d’abord partie en Suisse pour effectuer mon stage de fin d’études de pharmacie. En 1995, je suis partie avec mon mari en CSN au Maroc à Casablanca. Nous y sommes restés 16 mois. L’entreprise avec laquelle mon mari était parti en CSN l’a embauché et nous avons atterris à Grenoble que je ne connaissais pas et que j’ai du découvrir.
C’est aussi cette même entreprise qui nous a envoyés en décembre 1999, à Taïpei (Taiwan). Nous y sommes restés trois ans et demi. Ce fut une expérience très forte que de vivre dans un environnement chinois. En 2003, nous revenions à Grenoble avec un enfant en plus (la 3ème était née là-bas). Nous avons eu cinq ans d’interlude en France et nous avons déménagé en novembre 2008 dans la Baie de San Francisco, toujours en tant qu’expatriés avec la même entreprise. Nous y sommes restés un peu moins de trois ans. En 2011, mon mari a eu une proposition d’embauche dans une autre entreprise et notre famille a atterri à Kansas City. Cette fois-ci, nous n’avions plus du tout le statut d’expatrié.
EF : Dans quel état d’esprit êtes-vous partie la première fois en expatriation et avec quels objectifs ?
IG : Au début, ma plus grande motivation était de découvrir de nouveaux horizons. C’était la même chose pour mon mari. Notre première expérience commune au Maroc nous a donnés le goût des voyages et des découvertes. Nous avons été piqués par le virus de l’expatriation. Nous avons donc saisi la première occasion pour repartir et même si Taipei ne faisait pas rêver, notre objectif était d’aller découvrir de nouvelles cultures et de vivre une vie différente.
EF : Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de votre installation aux Etats-Unis ?
IG : Je pense qu’il y a deux choses qui m’ont freinée à mon arrivée en Californie.
Arrivée en milieu d’année scolaire, j’ai eu beaucoup de mal à m’intégrer les premiers temps et à trouver mes marques.
Je crois que je n’étais pas prête à assumer le choc culturel. Et pourtant, j’en avais déjà vécu un de taille à Taiwan 8 ans auparavant. Mais le choc rencontré en Californie était plus incidieux. Finalement j’ai mis du temps à comprendre les codes de mon environnement.
Il y avait tout à recréer : des amitiés, des repères et des habitudes de vie. Je crois que je m’y suis très mal prise la première année, mais ensuite, j’ai pu apprécier le mode de vie et l’environnement exceptionnel de la Californie.
Je crois aussi que cette arrivée aux Etats-Unis coïncidait aussi avec une grande période d’incertitude personnelle : je venais d’avoir un quatrième enfant, j’avais terminé un nouveau cycle d’étude à l’IAE de Grenoble et j’aurai aimé reprendre ma carrière. Cette expatriation remettait en cause cette reprise.
EF : Souhaitiez-vous travailler lors de votre arrivée ?
IG : Oui et non. Je me sentais débordée dans cette nouvelle vie et avec quatre enfants, des accompagnements à faire, un petit garçon de deux ans. Je ne voyais pas comment je pouvais m’en sortir avec un travail. Il m’a donc fallu d’abord m’acclimater à cette nouvelle vie. La seconde année, mon petit dernier est entré à l’école, j’avais donc plus de temps et je me suis investie dans l’association des parents d’élèves (PTA) de l’école franco-américaine de mes deux derniers. Cela me prenait pas mal de temps. A la fin de l’année, j’ai décidé de continuer et même de prendre encore plus de responsabilités, en devenant présidente du PTA. Mais, c’est à ce moment-là, que j’ai commencé à vouloir créer quelque chose. Je me suis rendue compte que je ne m’épanouissais pas du tout dans cette activité bénévole car elle était très prenante et peu gratifiante.
EF : Vous avez créé en 2013 un projet professionnel nomade qui s’appelle AmérikSanté. Comment et pourquoi avez-vous été amenée à développer un tel projet ?
IG : Je suis docteur en pharmacie avec un diplôme français. Celui-ci n’est pas reconnu aux Etats-Unis. Pourtant, j’ai beaucoup d’amies qui me demandent des conseils. Aux Etats-Unis, on trouve des médicaments partout, mais personne n’est là pour les présenter et donner des conseils appropriés pour les utiliser. De plus, l’offre est déroutante. En apparence, il y en a beaucoup, mais dans les faits, l’offre est plus restreinte et moins souple qu’en France par exemple. Il faut donc pouvoir composer et aussi éviter certains pièges dus à la présence en vente libre de nombreux médicaments potentiellement dangereux. L’idée de faire un site web de conseils santé est née de ce constat mais il m’a fallu du temps pour formaliser ce projet ainsi que les services que je pouvais offrir.
EF : Justement, quels genres de services proposez-vous et à qui s’adressent-ils ?
IG : Mes services s’adressent aux francophones qui vivent ou voyagent aux Etats-Unis. J’ai rassemblé des conseils généraux mais aussi ciblés dans deux ebooks :
Ils sont tous deux en vente sur mon site AmerikSanté au format pdf et sur Amazon au format mobi (Kindle).
En 2015, je souhaite élargir mon offre de services de manière plus directe car j’ai souvent des questions par e-mail. J’aimerais aussi publier en version électronique et papier un troisième guide pratique sur l’auto-médication aux Etats-Unis.
EF : D’un point de vue personnel mais aussi professionnel, quels avantages trouvez-vous dans la réalisation d’un tel projet ?
IG : D’un point de vue personnel, j’ai énormément appris sur moi-même grâce à ce projet. Je choisis ce que je dois faire et c’est un avantage dans ma vie de tous les jours : cela m’apporte donc beaucoup de satisfactions et d’épanouissements.
D’un point de vue professionnel, je pense que cela me permet de concilier ma vie de famille et ma profession. Je suis donc plus adaptable et au final, cela me permet de pouvoir mener de front cette activité et ma vie de famille.
EF : Pensez-vous que l’expatriation rende la gestion de votre projet plus difficile ou au contraire plus facile ? Pourquoi ?
IG : Tout d’abord, je pense que sans l’expatriation, je n’en serais jamais arrivée là car je n’aurais pas eu à me remettre en question de la sorte.
- le fait de rencontrer des gens qui étaient déjà dans cette démarche-là : la Silicon Valley était un vivier d’initiatives en tout genre, notamment chez les femmes expatriées francophones.
- être expatriée m’a incitée à m’intéresser aux techniques du web, à lancer mon propre blog (au départ, mon blog d’expat FromSide2Side) et à rencontrer via ce réseau des femmes dans le même cas que moi, comme vous par exemple (je pense que vous avez été la première). J’ai compris que j’avais un message à faire passer, que les techniques modernes pourraient m’aider.
Grâce à tout cela, je peux dire que oui, l’expatriation m’a aidé à me lancer.
Mais ma situation géographique a parfois tendance à me freiner. Mes services s’adressent à des expatriés et à des voyageurs. Il y en a peu à Kansas City, où, il n’y a pas d’organisation d’accueil expatriés et où peu de voyageurs se rendent. La ville est très isolée en plein centre des Etats-Unis. Je dois donc aller au delà et me faire connaître via le web.
De plus et surtout, je n’ai pas de réseaux locaux où je peux me ressourcer et discuter de ma situation avec d’autres. Je pense toujours à la Silicon Valley, où des femmes en situation d’auto-entreprenariat se rencontrent régulièrement pour partager leurs problématiques. Cela me manque beaucoup.
Q: Que conseillerez-vous à d’autres femmes qui s’apprêtent à suivre leur conjoint à l’étranger pour la première fois ?
IG : Je leur dirais que leur vie professionnelle ne doit pas s’arrêter avec ce départ et que grâce à l’époque que nous vivons, il est possible de se réinventer. Il faut être solide dans sa tête et arriver avec un esprit ouvert en saisissant toutes les opportunités qui s’offrent à nous. Il faut savoir trouver cette petite étincelle qui se trouve en nous … et oser…
EF: Quels conseils donneriez-vous à d’autres conjoints accompagnateurs souhaitant développer ou poursuivre une activité professionnelle nomade ?
IG : Mon premier conseil serait de bien définir ce qu’elles veulent développer mais aussi et surtout de planifier, de mettre en place des stratégies de réussite en étant très claire. Ce n’est pas toujours facile et entre l’idée et la réalisation, il peut se passer beaucoup de temps.
Mon deuxième conseil est d’ être ouverte aux nouvelles technologies et de ne pas hésiter à demander conseils.
Enfin, la réalisation d’un tel projet ne peut pas se faire seule. Depuis deux ans, plusieurs professionnelles m’ont aidées pour mettre en place le site, mais aussi des coachs de vie qui m’ont permis d’y voir clair dans mon intention et mon positionnement par rapport à ma vie de famille notamment. Je compte encore me faire accompagner car c’est une démarche qui est difficile à mettre en place seule et à maintenir seule.
Merci Véronique de m’avoir reçu sur votre blog Expat Forever.
Merci Isabelle pour votre témoignage et bonne continuation.
Vous pouvez suivre aussi Isabelle et son site Amériksanté sur sa page Facebook et son compte twitter : @ameriksante
Partageons nos expériences pour mieux vivre notre expatriation.
merci Véronique de m'avoir accueilli sur votre blog..
RépondreSupprimerCe fut avec grang plaisir. Longue vie à Amériksanté ! Et à très bientôt sur Expat Forever.
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