Marc Martin-Gianni |
Une fois par mois, Expat Forever vous propose de rencontrer une femme expatriée, un expat entrepreneur ou parfois les deux en même temps afin de mieux comprendre et d’appréhender la vie au quotidien en expatriation.
Ce mois-ci, la donne change puisque c’est un homme, Marc Martin-Gianni, qui s’est prêté au jeu des questions réponses ! Marc en est déjà à sa quatrième expatriation en tant que conjoint accompagnateur. Il vient de créer son entreprise en ligne, Télétuteur, qui selon moi intéressera beaucoup les familles expatriées francophones !
Expat Forever: Bonjour Marc. D’où êtes-vous originaire ?
Marc Martin-Gianni : Bonjour. J’ai des origines corses et dauphinoises ; mais le côté corse l’emporte largement. J’espère les bons côtés uniquement. Mais ma base est à Lyon, depuis 1986.
EF : Où vivez-vous actuellement et depuis combien de temps ?
MM-G : Nous vivons presque entre deux villes puisque que notre code postal correspond à Bethlehem et que nos taxes sont payées à Lower Nazareth. Ces deux villes sont situées en Pennsylvanie, dans la Lehigh Valley, à deux heures de New York et environ une heure de Philadelphie.
EF : Est-ce votre première expatriation et quelle en est la raison ?
MM-G : C’est ma quatrième expatriation, si je compte celle de ma petite enfance. J’ai en effet passé six ans au Maroc, juste après ma naissance en Corse. A part cette expatriation donc, les trois autres avaient pour raison principale et unique l’amour... J’ai suivi ma femme qui a eu la possibilité de partir pour le compte de sa société.
EF : Pouvez-vous retracer votre parcours d’expatrié et votre ressenti personnel pour chacun des endroits ou vous avez vécu jusqu'à maintenant ?
MM-G : A l’âge adulte, ma première expatriation date de 1999. J’ai passé trois ans et demi à Hong Kong. C’est un très bon souvenir. Nous étions jeunes et beaux... sans enfants surtout, ce qui nous a permis de voyager énormément (Vietnam, Chine, Bali, Australie, Nouvelle Zélande, Malaisie, Thaïlande, Philippines). J’ai appris à aimer un continent qui ne m’attirait pas beaucoup à l’époque. Notre premier enfant est né là-bas, ce qui crée des liens encore plus forts.
Après un retour sur Lyon de six ans, nous sommes repartis en 2008 au Canada, à Toronto, initialement pour trois à cinq ans, mais nous n’y sommes restés que deux ans. Toronto est une grande ville cosmopolite avec une forte composante asiatique. Cela nous a fortement rappelé Hong Kong, d’autant que le quartier où nous vivions était « très asiatique ». Nous y avons retrouvé de bons restaurants chinois. Nous avions un cercle d’amis (essentiellement français) avec qui nous avons fait beaucoup de week-ends dans des cottages au bord des lacs. Nous avons pas mal voyagé dans le pays et même passé un jour de l’an à Cuba. C’est une bonne expérience également... trop courte.
Depuis 2010, nous vivons donc aux Etats-Unis. Les choses sont assez différentes puisque nous sommes plus dans la campagne ce qui a des avantages (maison plus grande avec piscine, tranquillité, gens plus relax) et des inconvénients (moindre offre culturelle surtout), mais NYC et Philadelphie ne sont pas trop loin et il se passe aussi des choses ici, mais surtout cela nous oblige à avoir une voiture. C’est indispensable pour tout, ce qui n’était pas le cas à Toronto et encore moins à Hong Kong où nous n’avions d’ailleurs pas de voiture. Il est également plus difficile de trouver un emploi que dans une grande ville.
EF : Pensez-vous qu’il est plus difficile d’être un conjoint accompagnateur quand on est un homme que lorsque l’on est une femme ? Pourquoi ?
MM-G : Je ne suis pas sûr que cela soit plus dur pour un homme. Tout dépend si l’on travaille ou pas. Si on a le statut “d’homme au foyer“, cela est peut-être plus dur à vivre pour certains. Le conditionnement social fait que même chez les plus jeunes, il peut être mal vu pour un homme de rester à la maison pendant que madame travaille. Mais si on assume cela... il n’y a pas de problème.
Il me semble qu’en général, les problèmes que celui qui accompagne peut rencontrer ne sont pas liés au sexe : la frustration née de l’arrêt ou de la mise entre parenthèses d’une carrière, l’isolement relatif... mais je peux me tromper. Et puis les mamans regardent souvent avec tendresse les rares papas qui amènent leurs enfants à l’école... ça n’est pas désagréable.
EF : Quel est votre vécu par rapport au fait d’être un conjoint accompagnateur? Quelles ont été et sont les réactions autour de vous ?
MM-G : Mon vécu est assez mitigé en fait. Quand je travaillais (j’ai enseigné à Hong Kong et à Toronto), il n’y avait pas de soucis. Le fait de ne plus travailler depuis notre arrivée aux Etats-Unis est plus pénible à vivre. Quand je dis travailler, je parle d’un travail “socialement reconnu“. Je ne suis pas inactif depuis deux ans, j’ai suivi deux formations de scénariste, j’écris un roman et je viens de créer un site. Mais ce sont des activités pour l’instant peu productives (financièrement et socialement) et ce sont des activités solitaires. L’isolement est sans doute la chose la plus difficile à vivre. J’ai des activités à l’extérieur pour palier à cela (karaté, yoga, cours d’anglais...) mais le fait de ne pas être professionnellement inséré est plus délicat à assumer. Je n’ai jamais connu le chômage en France, mais je comprends ce que peuvent ressentir des chômeurs de longue durée... et je n’ai pas derrière moi de pression financière puisque le statut de mon épouse nous permet de vivre confortablement.
Mais encore une fois et pour rebondir sur la question précédente, je pense qu’une femme qui aurait été active avant l’expatriation, aurait pu avoir le même ressenti.
Les réactions autour de nous n’ont jamais été négatives, que ce soit de la part de la communauté expatriée ou de la part des “locaux“.
EF: Quelles difficultés avez-vous rencontré au début de votre installation aux Etats-Unis ?
MM-G : Pas de difficultés particulières si ce n’est l’isolement évoqué auparavant. Le fait d’avoir passé deux ans à Toronto a permis un atterrissage en douceur. Le choc aurait été sans doute plus “rude“ si nous étions arrivés directement de France. Toronto est une grosse ville nord américaine, semblable à beaucoup de villes américaines. Les gens sont plus ouverts ici, plus curieux aussi. Toronto a les tares des grosses villes comme Paris : gens pressés, stressés par le rythme...
EF : Vous avez créé en 2012 le site Télétuteur. Comment et pourquoi avez-vous été amené à développer un tel projet ?
MM-G : Ce site que je viens de créer est probablement né du fait que je possède la triple casquette de père (qui doit suivre les devoirs et c’est parfois “intense“), d’enseignant (qui avait un réel besoin de reprendre contact avec son métier de base) et d’expatrié (qui connaît les difficultés que peuvent créer l’éloignement pour trouver des gens compétents en éducation et parlant français). Un cours via Skype ne remplacera pas une relation “directe“ en face à face, mais dans des cas bien précis, cela me semble une solution très intéressante et prometteuse. Et je pense que dans le futur, la technologie nous permettra d’aller plus loin.
EF : Quels genres de services proposez-vous ?
MM-G : Le site Télétuteur s’adresse en priorité aux enfants expatriés (aux Etats-Unis ou ailleurs) qui ne suivent pas une scolarité dans un système français, et dont la durée d’expatriation est plus ou moins connue. Cela dit, je suis ouvert à toutes propositions.
Je propose 3 types de services :
- une aide aux devoirs ou un suivi du programme du CNED.
- un soutien scolaire en cas de difficultés passagères ou plus profondes.
- une préparation à l’apprentissage de la lecture pour les enfants de cinq ans. Cela peut être très utile et efficace pour des enfants dont le retour en France coïncidera avec une entrée au CP.
EF : Sur le moyen – long terme, comment souhaitez-vous faire évoluer ce projet ?
MM-G : J’espère que ce site coïncidera à des attentes et qu’il prendra de l’ampleur. C’est mon ambition. Si cela ce passe ainsi et que la demande dépasse l’offre, je souhaite pouvoir m’associer avec d’autres collègues à travers le monde pour avoir une offre suffisante qui de plus ne souffrira pas des décalages horaires. Mes expatriations m’ont permis de nouer des liens solides en Asie et au Canada.
EF : D’un point de vue personnel mais aussi professionnel, quels avantages trouvez-vous dans la réalisation d’un tel projet ?
MM-G : Si je devais me définir par un seul mot, je dirais création (ou créateur). Un enseignant est pour moi un créateur : créateur de l’envie d’apprendre chez ses élèves, création des conditions et des situations pour la progression de ses élèves. Je détruis mes fiches de préparation d’une année sur l’autre (je peux garder les idées, les moyens, pas les fiches) pour avoir le plaisir et l’effort à faire de les recréer l’année suivantes (si j’ai le même niveau). J’écris, je peins, je construis des objets pour mes enfants... La création est un moteur pour moi. Donc créer un site et une micro entreprise était une nouveauté pour moi, un challenge excitant.
Je suis inquiet de l’état du système éducatif public français et s’il n’est pas réformé en profondeur, je pense que les choses ne vont pas s’arranger. Si ce site se développe bien, il pourrait me permettre à terme de quitter l’Education Nationale... non sans regrets.
EF: Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre vie d’expatrié et pourquoi ?
MM-G : Ce qui me plaît le plus c’est ce qui m’enrichit : la découverte et la confrontation parfois à une culture différente, à des mentalités différentes. J’ai compris pas mal de choses sur les Etats-Unis depuis que je suis là. Pour être totalement honnête, la vie d’expatrié permet aussi, quand l’un des deux a le statut d’expatrié, d’avoir un niveau de vie supérieur à celui que nous avions en France. C’est un aspect non négligeable qu’il faut garder à l’esprit avant le retour en France. Cela permet de nombreux voyages pour découvrir le pays.
EF : Qu’est-ce que vous détestez le plus dans ce mode de vie et pourquoi ?
MM-G : Il n’y a rien que je déteste... heu si peut-être le fait qu’ils conduisent mal et qu’ils fassent presque tout dans leur voiture.
Plus sérieusement, ce qui me dérange le plus, c’est l’éloignement avec la famille. Je suis fils unique, mes parents vieillissent, donc cela crée une petite pression. Mais la technologie moderne permet de nous parler et de nous voir une fois par semaine via Skype. Lors de notre première expatriation, nous avions offert à nos parents des fax... Internet commençait à peine...
Q: Que conseillerez-vous à d’autres hommes qui s’apprêtent à suivre leur conjointe à l’étranger pour la première fois ?
MM-G : S’ils s’apprêtent à partir, c’est que la décision est donc prise.
Chaque cas étant unique, il est difficile de donner des conseils généraux. Je leur recommande après la phase d’installation et de découverte, soit de chercher un emploi dans la mesure du possible, soit de s’impliquer dans des associations, de faire du sport en club, de participer à la vie de l’école de leurs enfants si enfants il y a, et surtout d’essayer de comprendre en profondeur la culture, la sociologie du pays qu’ils habitent.
Je crois que c’est à nous de faire l’effort d’aller vers les habitants du pays qui nous accueille, pas le contraire.
EF : Merci Marc et longue vie à Télétuteur !
MM-G : Merci à vous, Véronique.
Très très intéressant. Merci encore pour ce billet. Comment on va faire lorsque vous serez rentrée en France Véronique pour recevoir toutes ces informatiosn précieuses ?
RépondreSupprimerMerci Anne-Laure pour ce tres gentil commentaire! Ce n'est pas a l'ordre du jour mais on trouvera bien une solution. Contente que cet entretien vous ai plus et soit utile.
SupprimerA bientot sur Expat Forever.